La surcapacité du secteur de la réassurance et la pression générale du "court-termisme" éloignent la réassurance de ses fondamentaux. Les acteurs oublient progressivement certains de ces principes : une approche nécessairement globale du risque et une approche relationnelle nécessairement à long terme.
En ce qui concerne la mutualisation des risques, l'exemple de l'évolution des prix de la CAT au cours des dernières années de lourdes pertes est frappant. Certains assureurs ont à nouveau refusé une augmentation de leurs tarifs sous prétexte que le dernier ouragan/typhon était passé à quelques kilomètres de leur zone d'exposition et ne les avait pas touchés. Dans certains pays sujets aux tremblements de terre, le tarif global n'inclut pas de prime spécifique pour les catastrophes naturelles, arguant que le remboursement en cas de tremblement de terre serait géré a posteriori.
Ces justifications sont contraires à l'esprit de Solvabilité II, qui prévoit que le réassureur soit solvable à tout moment et que les exercices de souscription soient équilibrés chaque année. Il est utile de rappeler que le réassureur n'est pas là pour payer à la place de l'assureur mais pour lui permettre de répartir dans le temps la charge d'un sinistre important qui est réglé immédiatement. Il est facile de comprendre que si tout le monde ne s'implique pas dans la mutualité, il faudra inévitablement que chacun paie sa propre prime de risque, ce qui est contraire à la mutualisation. La mutualisation géographique va de pair avec la mutualisation temporelle. Plus la fréquence d'un sinistre est rare et plus son montant est élevé, plus l'approche mutualiste doit prévaloir sur l'individualisme.
Quant à la relation avec les réassureurs, les changements observés dans la conception des traités proportionnels à quote-part sont éclairants. A la base, ce type de traité est là pour fournir à l'assureur une capacité supplémentaire lui permettant de se développer davantage en "empruntant" des capitaux aux réassureurs. Il est généralement associé à la notion de "suivre la fortune" dans les bonnes et mauvaises périodes. Il requiert un niveau élevé de confiance entre les acteurs et induit une relation à long terme. Dans ce contexte, la commission payée par le réassureur doit refléter sa juste part dans l'acquisition de l'entreprise et contribuer ainsi à un "follow the fortune" équitable. Que voyons-nous à la place ? Cette commission est progressivement devenue une variable d'ajustement du tarif. Certaines sont passées à plus de 40 %. Où est donc l'esprit "follow the fortune", lorsque la commission dépasse de plus de 10% les coûts d'acquisition de l'assureur ? Ou lorsque certains contrats limitent le gain du réassureur avec une participation aux bénéfices de 90% ?
Les bons antécédents d'un traité sont souvent mis en avant pour justifier ces changements de conditions. Cet argument fonctionne tant que le contrat n'est pas exposé à des cycles très longs. La comparaison des résultats passés et des résultats de 2020 des traités touchés par la crise Covid ou par l'explosion dramatique au Liban le prouvera.
Quelles sont les conséquences de la surcapacité et du "court-termisme" en réassurance ? Incapables de reconstituer suffisamment leurs réserves, les réassureurs se sont au contraire protégés en limitant leur offre, en imposant des limites, des sous-limites et des exclusions. Ce faisant, ils ne jouent plus pleinement leur rôle, refusant une forte volatilité au lieu de donner accès à une mutualisation plus large.
Tous les acteurs du secteur doivent résister à la tentation du "court-termisme" et inverser la tendance du cercle vicieux "moins de primes, moins de services, moins de mutualisation ...". Sinon, qui couvrira - et avec quelle prime - la prochaine pandémie, les futurs événements de CAT qui seront inévitablement plus fréquents en raison du changement climatique, l'incendie qui détruira la moitié d'une grande capitale, la première cyber catastrophe systémique ou tout autre scénario auquel nous n'avons pas encore pensé ? Les États ?
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