Le premier numéro d’ILS Show, proposé par CCR Re en continuité de la newsletter trimestrielle ILS NEWS, a été l’occasion de démontrer les opportunités offertes par les ILS et le développement de la place de Paris.
Pour en parler, nous avons reçu un panel de spécialistes reconnus : Olivier Desmettre, chef de Brigade auprès de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, Benoit Liot, directeur de la Rétrocession chez Scor, Edouard Chapellier et Patrice Doat, partners chez Linklaters, Stephan Ruoff, Directeur ILS chez Schroders et Quentin Perrot, Senior Vice President chez Willis Securities.
Dans ce troisième et dernier article issu de la première émission ILS Show, nous évoquerons plus précisément la nécessité de développer la place de Paris : quels sont les points forts et les points faibles de Paris ? Quelles sont les pistes d’action pour lui assurer un bon positionnement sur le marché des ILS ?
Comment permettre à un fonds ILS, tel que Schroder par exemple, d’orienter ses clients vers des ILS localisés sur la place de Paris spécifiquement ?
Stephan Ruoff : Comme toujours, c’est une question d’offre et de demande. Plus les ILS émis depuis Paris seront nombreux, plus ils attireront l’attention des investisseurs. Il faudrait que les cédantes européennes qui ont récemment émis des ILS – Covea, Genereli, Unipol, Artmea, sans parler de Scor qui est un réassureur et travaille à l’international – utilisent la place de Paris pour « amorcer la pompe » et commencer à susciter l’intérêt. Ce qu’a fait la CCR avec son side-car est un bon début, même s’il s’agit d’une transaction plus ou moins privée qui manque de visibilité sur la place mondiale des investisseurs ILS. Mais il faut commencer à défricher le terrain avant de partir sur des transactions beaucoup plus larges !
Quentin Perrot : Il ne faut pas oublier que les cédantes ont aujourd’hui le choix entre la réassurance traditionnelle et les ILS. Or faire un Cat Bond coûte, pour une nouvelle cédante et pour une transaction indemnitaire, au minimum 1 million de dollars. Sans parler des frais de courtage ou de structuration qui pourraient s’y appliquer. La documentation d’un Cat Bond, c’est 300 pages, contre 20 pages pour un contrat de réassurance. Le process à suivre pour une cédante qui souhaite faire un Cat Bond pour la première fois peut durer plusieurs mois. La barrière à l’entrée pour les ILS est donc loin d’être négligeable.
Alors comment faire pour permettre aux cédantes d’avoir plus facilement accès aux ILS ? Les ingrédients nécessaires pour faciliter le processus sont les suivants :
- Un régulateur réactif, supportif, qui prend des initiatives en amont du processus ;
- Un écosystème local composé de fournisseurs de services efficients, expérimentés, désireux d’aider ;
- Un environnement fiscal qui propose des conditions tarifaires avantageuses et compétitives par rapport à la réassurance traditionnelle.
C’est à toutes ces problématiques qu’il faut répondre pour assurer le succès de la place de Paris.
Peut-on considérer que les contraintes fiscales françaises constituent un avantage dans le cadre d’une recherche d’investissements « ESG compatibles » ?
Edouard Chapellier : Depuis quelques années maintenant, l’on assiste à une prise de distance de certains grands groupes français vis-à-vis des juridictions perçues comme peu transparentes et très « agressives », y compris sur le plan fiscal (blanchiment etc.). De nombreuses entreprises cherchent un comportement plus éthique en matière d’imposition, ce qui pourrait effectivement profiter à la France.
La recherche de diversification de source de capital est très stratégique. Le Brésil commence à réfléchir à la définition d’une juridiction adaptée, Singapour est déjà bien avancée sur ce sujet. Quelle est la position de l’ACPR ? Le législateur a-t-il prévu d’émettre des recommandations pour promouvoir la place de Paris ?
Olivier Desmettre : La titrisation constitue un outil important pour diversifier les sources de financement et mieux répartir les risques. Le règlement européen a créé un cadre général pour les titrisations, afin d’améliorer la simplicité, la transparence et la standardisation de ces outils. Ce type de développement maitrisé des outils de titrisation est très important pour favoriser le succès de la place de paris et pour rassurer les investisseurs. C’est un gage important à donner, en plus d’avoir des opérations qui sont revues et autorisées par un superviseur comme l’ACPR qui a pour ambition d’être le superviseur de référence.
Concernant les recommandations, il est difficile de répondre à ce stade. Un cadre normatif assez complet – éléments du règlement délégué des assurances, notices publiées par l’ACPR sur la gestion des risques… – est déjà en place, qui rend possible la création de ces fonds commun de titrisation. Il faudrait que le superviseur prenne le temps d’observer comment ce marché se développe en France avant d’émettre des recommandations.
Quels sont les aspects positifs de cette juridiction spécifique ? Est-il envisageable que ces avantages ne bénéficient pas seulement aux émetteurs français, mais aussi aux acteurs européens ?
Benoit Liot : Il n’y a pas de raison que les seuls émetteurs français soient concernés : tous les émetteurs européens sont des candidats potentiels à une juridiction qui se situe en Europe continentale, qui coche toutes les cases en termes d’approbation par un régulateur et qui leur offre à la fois optionnalité et stabilité.
Quentin Perrot : La tendance à long terme des marchés des ILS est extrêmement favorable. Il va y avoir – et il y a déjà – une demande très forte des cédantes, en lien avec des tendances macro-économiques de fond. Dans ce cadre-là, il est vital que des places comme Paris se développent. Comme Benoit l’a précisé, la place de Paris possède de grandes qualités ; il faut maintenant lever certains freins qui ralentissent son développement et notamment l’étendre à d’autres produits (au-delà de certaines classes d’ILS qui fonctionnent bien aujourd’hui) pour pouvoir viser davantage d’investisseurs – à commencer par les cédantes françaises, puisque ce sont elles avant tout qui sont amenées à l’utiliser. Une fois que cela fonctionnera bien avec les français, le système pourra progressivement s’étendre aux européens et, pourquoi pas, au-delà de l’Europe.
Stephan Ruoff : Comme me l’expliquait récemment un régulateur au Singapour, le changement climatique va, entre autres conséquences, intensifier le besoin de transférer des risques. Pour pouvoir faciliter ce transfert de risques, notamment pour la région Asie du Sud-Est, Singapour a décidé de promouvoir Singapour comme une place d’ILS. Ce transfert de risque va évidemment sur le long terme, contribuer positivement au développement économique de l’Asie du Sud Est.